lundi 1 septembre 2008

Le détroit de Gibraltar


Premier passage mythique (en attendant Panama ou le Cap Horn), le détroit de Gibraltar signe un nouveau départ de notre aventure : nous quittons la Méditerranée et sa navigation cotiere pour la "vraie" mer, la houle de l'Atlantique et les longues distances. Il nous fallait quitter le port de la Duquesa de nuit vers 5h00, de facon à atteindre l'entrée du détroit vers 8h30, ce qui correspond à 3h00 apres la pleine mer de Gibraltar et le meilleur moment pour aborder le détroit. Les scientifiques que vous êtes voudront savoir pourquoi. Et bien, il est question de courants, de marées, de contre-courant et de vent. En gros, il faut passer avec le courant de marée, mais il est contredit par un courant permanent en surface d'Est en Ouest, alors ca bouillonne. En plus, si le vent est d'Est, ca nous pousse c'est bien, mais jusqu'a hier force 8 d'Est, c'était trop. Aujourd'hui c'est plus calme, mais ca passe à l'ouest dans la journée (c'est a dire dans le nez, ce que les voiliers n'aiment pas), alors il faut se dépêcher de passer avant la bascule, tant qu'il y a encore un peu d'Est. Il faut compter 5 heures pour naviguer du début de la baie de Gibraltar à la pointe de Tarifa et pendant ces 5 heures, le temps, le vent et les courants changent. Bref, on arrête de calculer et d'essayer de comprendre, on largue les amarres, on se trouve à l'entrée de la baie 3 heures apres la pleine mer, et on met le cap à l'ouest.
C'est ce qu'on a fait. Finalement, il y avait pétole, plein de petits courants différents dans tous les sens qui agitaient la surface, et on a navigué au moteur. Quand on est sortis du détroit, je me suis crue tirée d'affaire, mais non. Il s'est agit alors de traverser les rails montants et descendants, rails occupés de navires à la queue-leu-leu, tous plus sympathiques les uns que les autres : cargos, tankers, pétroliers, et mes préférés, les porte-conteneurs, sortes de gigantesques forteresses rouillées de 200 metres de long qui déboulent sur nous à 20 noeuds. C'est un de ces moments de la vie ou on se sent ridiculement insignifiant, surtout qu'on sait que ces monstres ont une inertie telle qu'ils ont le temps de nous écrabouiller 100 fois avant de commencer à ralentir, ce qu'ils ne cherchent pas à faire puisqu'ils affichent un mépris total pour les petits plaisanciers. L'angoisse atteint son paroxysme, lorsque la voix rassurante de Pat le skip s'éleve : "t'inquietes pas, on est à la voile, on a priorité!". J'ai ressenti l'appréhension du cloporte moyen qui s'apprête à traverser la ligne droite du circuit de Formule 1 un jour de grand prix.. mais lui, il n'a pas priorité!

Finalement, nous avons survécu et nous sommes engagés sur le grand océan direction Madere.
A bientot,
Mapi

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