mardi 2 septembre 2008

Le quart de nuit


Lorsque l'on navigue de nuit, il ne faut pas que tout le monde dorme à bord. Il faut un veilleur courageux et multitâches, en charge de:
- surveiller les alentours pour éviter les collisions malencontreuses avec les autres bateaux (cargos, tankers, porte-conteneurs, paquebots de croisières, pecheurs et autres voiliers),
- barrer ou vérifier que le pilote automatique ne décroche pas (le notre s'appelle Tom, pour "totomatique"),
- régler les voiles pour maintenir une allure rapide ou confortable (c'est rarement les deux en meme temps) en fonction de l'état du vent ou de la mer,
- réagir en cas de souci imprévu (alarmes intempestives de la pompe de cale ou des multiples équipements électroniques),
- piller les réserves de café, de chocolat, de bonbons et autres cochonneries sucrées pour tenir le coup.
Sur Oteka, les équipiers capables d'assumer ce role de confiance sont en nombre limité : Pat et Mapi. Les enfants, pré-pubères, sont pour l'instant exemptés. Il s'agit donc de transformer les quarts en demi, ce qui rallonge considérablement l'affaire. Mapi se charge du quart dit "deuxieme partie de soirée" de22h00 à 1h00, puis Pat prend le pire quart, celui dit "long tunnel" de 1h00 à 6h00, puis Mapi reprend le "promesse de l'aube" de 6h00 à 9h00. Et enfin, il fait jour et la vie normale reprend.

On a tous lu ces romantiques écrits narrant la richesse de ces nuits solitaires, le sentiment d'appartenance à cette nature si forte, la voute étoilée, les paillettes de plancton phosporescent scintillant dans le sillage, les dauphins qui viennent jouer dans l'étrave, tous ces moments uniques qui se jouent pour nous seuls. Bon c'est vrai, tout ca est merveilleux. Mais on a moins lu le froid et l'humidité qui nous colle le short au plastique du siege, les heures qui s'allongent interminables, le sommeil qui nous plombe, le bateau de pecheur allumé comme un arbre de Noel qui nous tourne autour en trainant ses filets, les yeux écarquillés croyant discerner des masses sombres et qui scrutent l'obscurité sans lune, l'imagination fertile qui fait jaillir toutes sortes de monstres de la masse noire et mouvante qui nous encercle. Mais heureusement, il y a les étoiles et notamment les filantes, magique occasion de faire un voeu. Alors Mapi, oubliant que ce ne sont que de vulgaires caillous qui nous tombent dessus, émet un souhait plein d'espérance : "que le temps passe plus vite et que je puisse aller me coucher". Et ça marche! des fois le temps passe plus vite car elle s'endort un peu à la barre. Mais chut! Ce sont les petits secrets de ces nuits solitaires.

A bientot,

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